Je suis tombé sur cette interview du manager de Born Bad je ne sais plus trop comment et je l’ai trouvé plutôt bien fichue. Enfin un point de vue sans langue de bois de la part de quelqu’un de l’autre côté de la barrière : un label !
Dans l’incapacité technique de pouvoir commenter cet article en ligne (Vice ne permet pas aux internautes de commenter les articles) et comme je n’avais pas envie d’envoyer un mail à la rédaction du mag, je le fais ici.

Je me fais violence pour faire de la promo, c’est ce qu’il y a de plus pénible dans mon travail de label, c’est très humiliant d’envoyer des disques comme des bouteilles à la mer à des gens qui ne les écoutent pas, qui ne répondent pas à tes relances, c’est juste l’énergie du désespoir. Mon moteur, c’est de rendre des comptes à mes artistes, mais de façon objective on n’en a rien à foutre d’avoir des articles dans la presse, ça ne sert à rien, ça fait juste plaisir à ta mère au repas de Noël de savoir que t’as les faveurs de Télérama.

Je suis d’accord, c’est chiant de faire la promo mais c’est un mal nécessaire.
D’ailleurs, il y a des personnes dont c’est le métier et qui aiment ce qu’elles font : envoyer des mails, des promos et relancer, relancer, vérifier, relancer, relancer… jusqu’à obtenir satisfaction. Soit une chronique ou une interview, positive étant le must.

A vrai dire, c’est même un gain de temps pour les magazines car ils reçoivent les infos sans les demander.
Je trouve au contraire que faire la promotion d’un artiste ou d’un disque fait partie du marché de la musique, du travail d’un label et que les magazines musicaux devraient être considérés également comme des acteurs faisant partie intégrante de l’industrie musicale.

Je suis convaincu que ça sert. Et je dis pas ça pour défendre ma paroisse.
Il y a plein de personnes qui n’ont pas le temps d’aller écouter tous les disques et qui aiment avoir un conseil ou un avis. Et qui font plus ou moins confiance à la personne qu’elle vont lire. Je ne sais pas si toutes les personnes qui achètent les disques et vont au concert ont besoin de conseils. Mais ça peut en motiver d’autre.

Si je prends comme parallèle le monde de l’édition, les libraires sont des gens plutôt bien vus. Ils peuvent mettre en avant leurs coup de coeurs, le meilleur selon eux…

Et je vais répèter ce qu’un lecteur de Wegofunk m’a dit un jour « Si je veux écouter du funk ou de la soul, je vais sur Wegofunk, je suis sur de découvrir un bon disque. »

« Il n’est pas rare que j’aie ­trente, cinquante articles sur une sortie alors que ­derrière je vends pas de disques. Donc y’a un ­problème. »

Le problème c’est peut être aussi que ton disque, les gens n’en veulent pas pas ou qu’ils lisent une critique mais qu’ensuite il ne savent pas où l’acheter. Qui tient un carnet de note avec les références lues dans 20 minutes ou les Inrocks pour ensuite les acheter dès qu’il a un moment ?
Sans parler de tout ceux et celles qui s’empressent d’aller chercher sur le net comment le télécharger ton disque.

Ça me fait doucement rigoler quand même. C’est une relation haine/amour, le bon journaliste c’est celui qui parle de moi et si possible en termes élogieux. Sinon c’est un con qui n’a rien compris (ou une conne).

Y’a un GROS problème d’incompréhension entre les artistes/labels et les critiques/journalistes/magazines…
Je considère, et je parle en tant qu’éditrice de contenus (parce que c’est ce que j’ai fait pendant plus de 10 ans sur Wegofunk), que le rôle premier d’un magazine est de donner des infos, des suggestions, des avis pour informer/donner des pistes/suggérer.

Il n’existe pas de recettes magiques qui font  qu’un disque va se vendre (c’est propre aux industries de la culture, livre, spectacle, etc. et y’a même des théories là dessus !) et personne ne peut prédire si un article de magazine va déboucher sur un achat.
Et à moins de trouver les acheteurs et de leur demander ce qui les a motivé à acheter, tu ne peux pas prouver que l’article ne fait pas vendre.

Après je comprends le stress lié à l’incertitude concernant les ventes. Le disque, faut le produire et si ça se vend pas, c’est de l’argent investi qui se perd. Mais de là à dire que les articles ne servent à rien… Je ne suis pas d’accord.
Le meilleur des disques pourra tomber dans l’oubli si personne n’en parle. Les cas de bouche à oreille ou de mec sur youtube qui est repéré par un gros label c’est comme le loto. Des millions de gens qui tentent leur chance  peu d’élus et on alimente le rêve.

Par contre, des gens passionnées, qui défendent des disques dont personne ne parle ailleurs, ça c’est du concret.

Et si ça fait vendre des disques, tant mieux. Car ça veut dire que l’artiste ou le label pourront sortir d’autres disques.

Sur Wegofunk (RIP), une règle tacite s’est imposé parmi les journalistes/rédacteurs. Ayant des ressources limitées et ne pouvant proposer une revue exhaustive de toutes les sorties, nous nous sommes concentré sur les disques et artistes qui nous semblaient sortir du lot.
Etant donné le bras de fer constant avec les labels, artistes, attachés de presse pour recevoir les disques promos et les accréditations (mais c’est une autre histoire…), nous avons eu pour politique de ne pas nous venger sur les artistes.
Le fait qu’il n’y aie plus d’accréditations alors que tu croises à l’entrée du concert un pote de machin qui LUI est sur liste ne nous a pas fait descendre disques par pure vengeance.
Rétrospectivement, j’me dis qu’on a été bien sympa quand même.

 Mais toute cette messe parisienne de peigne-culs me fait gerber, quand tu montes ton label on te chie à la gueule et quand tu as le vent en poupe on vient te serrer la louche, te faire des politesses, des salamalecs. Personne n’est dupe.

Les mecs qui te sourient puis te tournent le dos dès que le vent à tourner, c’est la même chose pour les magazines.
Un label prend de l’ampleur ? Il oublie le p’tit magazine qui l’a fait connaître. C’est moche mais c’est comme ça.
Wegofunk a fermé ? Du jour au lendemain, je n’ai plus reçu AUCUN disque promo. Tous ceux et celles qui racontaient que le disque avait été envoyé, qu’ils n’avaient plus de promos en stock, etc… Bah il ont compris très vite mais alors super vite comment supprimer wegofunk de leur liste d’envoi.

Et pour extrapoler, c’est pas propre à la musique, c’est juste l’humain. Quand t’es beau, jeune et que t’as du fric, t’as pleins de potes comme dit la chanson (God Bless The Child). Quand tu peux avoir un truc plus gros, bah t’y va.
Et quand la maison de disque paye les pubs, tu la ferme aussi. Mais là, au moins, sur Wegofunk on n’a jamais eu ce problème.
Life is a bitch.

 

Read the rest at Vice Magazine: UN CYNISME AMBIANT ET DES COLLÈGUES DE TRAVAIL INSUPPORTABLES – JB Wizz de Born Bad vomit la musique d’aujourd’hui – VICE

 

 

NB : Les industries culturelles et l’économie de la culture

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